Soirée d’Information sur la Psychologie Interview #3 (2/2) – Mr. David Benhsain

Interview avec Monieur David Benhsain

Neuropsychologue au Rehazenter Luxembourg avec spécialisation en réhabilitation cognitive

 

Monsieur Benhsain, dû aux circonstances présentes, il n’est malheureusement pas possible d’organiser notre Soirée d’Information sur la Psychologie dans le format des années précédentes. Nous aurions aimé avoir l’occasion d’en apprendre davantage sur votre cursus et le quotidien de votre travail, et surtout d’entrer en échange avec vous en personne. Pour malgré tout donner à nos auditeurs un bref aperçue de votre curriculum, nous voulons vous poser quelques questions par voie écrite. Nous vous remercions d’avance pour votre participation et votre investissement de temps !

 

Concernant vos études…

 

Qu’est-qui a déclenché l’idée de poursuivre des études en psychologie ?
J’ai toujours été fasciné par l’idée de pouvoir aider des gens en détresse. La psychologie m‘a particulièrement intéressé, sachant qu’il y a des moyens/outils, comme la communication p.ex., afin de diminuer la souffrance de l’autre.

Les études en psychologie, correspondaient-elles à vos attentes ?
J’avoue que je n’avais pas trop d’attentes par rapport à mes études en psychologie ; donc je ne sais pas trop comment répondre à cette question. Je dirais que j’étais tout simplement un jeune étudiant, content d’avoir obtenu son Bac et prêt à entamer un nouveau chapitre dans sa vie.

Vous avez fait vos études à Bruxelles. Pourquoi cette ville-là ?
Je me suis inscrit à l’Université Libre de Bruxelles pour plusieurs raisons. Premièrement, je savais que je ne voulais pas rester au Luxembourg, mais, en même temps, ne pas m’éloigner trop loin de ma famille. Je voulais absolument vivre à l’étranger afin de devenir plus indépendant et prouver à moi-même que je pouvais vivre seul avec un minimum d’aide de mes parents. Deuxièmement, j’ai apprécié la diversité du programme d’étude à l’ULB avec des Master de spécialisations différentes, sachant qu’à Uni Luxembourg il n’y avait encore aucun choix de Master au début de mes études universitaires. Finalement, un de mes grands objectifs, voire rêve d’enfance, était d’étudier au Canada, plus spécifiquement à Vancouver. Afin de permettre à ses étudiants des échanges hors-Europe similaires aux Erasmus, l’ULB avait des accords particuliers avec des établissements universitaires autour du monde dont un avec University of British Columbia (UBC) à Vancouver. L’ULB constituait donc pour moi le bon choix par rapport aux spécialisations et aux possibilités d’échanges internationaux.

Quel aspect de vos études vous plaisait particulièrement ?
La diversité des thèmes en psychologie. Naïvement, je pensais (et je n’étais pas le seul), qu’il n’y avait qu’une sorte de psychologie : la psychologie clinique. Eh bien, si vous saviez comment j’ai ouvert les yeux lors de ma première semaine à l’université. Lors de cette semaine, j’ai fait connaissance avec la psychologie sociale, la psychologie du travail, la psychologie clinique (il fallait bien !), l’anthropologie, l’éthologie et bien sûr la neuropsychologie. Cette diversité en spécialisations psychologiques m’a beaucoup plu. De plus, les thématiques abordées pendant les cours étaient elles aussi très intéressantes. Je peux effectivement dire que suite à ce que j’ai vu dans mes cours, je comprends mieux le comportement des autres, mais aussi mon comportement à moi.

À quel point vos études posaient-elles un défi ?
Au cours de mes études, je dirais qu’il y a eu deux moments qui furent particulièrement difficiles. Ma première année d’études a été dure. En effet, j’avais du mal à faire connaissance avec d’autres étudiants à Bruxelles. On pourrait croire que c’est facile de trouver quelqu’un avec qui on s’entend bien quand il y a 600 étudiants en psychologie dans l’auditoire. Cependant ça rend les choses beaucoup plus pénibles. Je ne peux que conseiller à tout nouveau étudiant de participer à des entrainements sportifs ou à se renseigner sur les associations étudiantes comme le C.E.L.B (Cercle des étudiants luxembourgeois à Bruxelles).
Un autre défi personnel a été la confrontation avec la psychanalyse au cours de mes études. Bruxelles et le reste des régions francophones restent à ce jour encore fortement fidèles aux théories psychanalytiques. Les approches comme la thérapie cognitivo-comportementale et la systémique sont moins fréquentes. Par conséquent, j’ai souvent dû, avec une certaine difficulté, renoncer à ma vision de la psychologie afin de satisfaire les attentes des professeurs.

À quel moment avez-vous su, que vous allez travailler comme neuropsychologue ?
Un autre défi personnel a été la confrontation avec la psychanalyse au cours de mes études. Bruxelles et le reste des régions francophones restent à ce jour encore fortement fidèles aux théories psychanalytiques. Les approches comme la thérapie cognitivo-comportementale et la systémique sont moins fréquentes. Par conséquent, j’ai souvent dû, avec une certaine difficulté, renoncer à ma vision de la psychologie afin de satisfaire les attentes des professeurs.

Est-ce que vous avez poursuivi des formations supplémentaires après l’obtention de votre diplôme de Master ? Est-ce que vous les considérez importantes ou même nécessaires pour une future profession ?
Après avoir terminé mon Master en neuropsychologie, j’ai décidé d’entamer un master complémentaire en psychologie clinique et psychopathologie, ce qui me permet d’avoir une double casquette : Neuropsychologue et psychologue clinicien. Cette décision a été prise suite à un événement qui s’est déroulé lors d’un de mes stages en 2e année de Master. J’ai été confronté aux pleurs d’une nouvelle patiente ayant subi un trauma crânien avec séquelles cognitives et induisant un trouble de l’humeur significatif. Devant cette dame, n’ayant pas les bases ou les outils corrects afin de la soulager, j’étais complètement incapable de répondre à sa demande de soutien. Par conséquent, j’ai décidé de me former davantage en psychologie clinique pour pouvoir répondre à une telle demande plus convenablement dans le futur.

 

Concernant votre début dans la vie professionnelle …

 

Comment était le passage de la vie étudiante à la vie professionnelle ? Avez-vous peut être eu des difficultés de lancement ?
J’estime que j’ai eu beaucoup de chance à la fin de ma période universitaire. Deux mois après avoir terminé mon dernier stage et mes examens universitaires, j’ai commencé mon poste en tant que neuropsychologue et chercheur au Rehazenter. Comme vous le savez, trouver un travail en tant que psy, voire neuropsy, au Luxembourg ne se fait pas en quelques jours. Et pour vous dire la vérité, les entretiens d’embauche, sont une torture et je n’en ai eu que deux ! Effectivement, il faut parfois des mois pour trouver un premier emploi et souvent il s’agit d’abord d’un CDD de 6 mois.
Mon début de carrière s’est, en gros, bien passé. Ceci est surtout dû à l’incroyable équipe au Rehazenter dont je fais maintenant partie. La plus grande difficulté pour moi, ayant été quelqu’un de très actif pendant mes études, était de perdre une certaine flexibilité par rapport à mes autres activités (sport, activités en extérieur, voir mes amis, etc.) et de participer à la routine journalière d’une centaine de milliers d’autres personnes. Malheureusement, mes loisirs ont un peu souffert depuis mon embauche en tant que psychologue et à ce jour je fais de mon mieux pour trouver un mode de vie plus équilibré pour concilier vie professionnelle et vie personnelle.

Quelles sont les compétences que vous pensez sont essentielles pour le travail du neuropsychologue ?
Pour répondre à cette question, j’utiliserais ces mots clés : esprit critique, bienveillance et une bonne oreille.

Les stages que avez fait pendant vos études, ont-ils vous aidé pour le démarrage dans la vie professionnelle?
La théorie a une place importante dans le développement des connaissances. Cependant, comme vous le savez probablement, rien n’est plus enrichissant que les connaissances acquises au cours des stages. J’ai effectué trois stages complètement distincts, ce qui m’a permis de m’immerger dans trois domaines différents en psychologie et de concrétiser mon choix par rapport à mon futur rôle de psychologue. J’ai complété un premier stage de recherche dans un laboratoire de psychologie médicale, alcoologie et addictologie à Bruxelles (CHU Brugmann). Mon deuxième stage a été réalisé dans un centre de revalidation à Bruxelles où j’ai eu mon premier vrai contact avec la tâche du neuropsychologue. Finalement, j’ai accompli un stage au C.H.L dans un hôpital de jour psychiatrique. Chacun de ces stages m’a permis de me développer en tant que psychologue. De plus, cela facilite l’intégration au sein d’un futur poste de travail grâce aux connaissances plus pratiques acquises au cours des stages.

 

Concernant votre quotidien professionnel…

 

Monsieur Benhsain, vous travaillez actuellement comme neuropsychologue au Rehazenter Luxembourg. Pouvez-vous brièvement décrire votre quotidien ?
Un jour normal pour moi commence à 8 h, ce qui me permet de lire et répondre aux demandes (ex. bilans neuropsychologiques) ou de fixer de nouveaux rendez-vous pour mes patients. Les horaires de 9 h à 11 h sont bloqués pour proposer une rééducation cognitive assistée par ordinateur avec ma collègue Delphine Verton. Le reste de la journée est dédié à voir mes patients de manière individuelle pour continuer les thérapies en cours ou à rencontrer de nouveaux patients afin de réaliser un bilan neuropsychologique. Un bilan neuropsychologique est composé d’une série de tests permettant d’évaluer les différentes capacités cognitives (ex. mémoire, concentration, flexibilité, planification, impulsivité, etc.) d’une personne. Quand un bilan est réalisé, j’écris un rapport qui sera envoyé au médecin et présenté au patient lors de notre prochaine rencontre. Au cours de cette rencontre, un plan thérapeutique, tenant compte des résultats obtenus durant le bilan et des objectifs du patient, sera proposé.
Étant aussi engagé comme chercheur, je consacre une partie de mon temps à la recherche. Nous sommes en train de développer et pourrons bientôt tester, avec des collaborateurs au Portugal et en Espagne, une plateforme (COGNIVITRA) qui permettra à la population âgée d’effectuer des exercices cognitivo-moteurs à leur domicile.

Quel est le plus grand défi dans le travail avec des personnes cognitivement altérées ?
Question compliquée sachant que chaque atteinte cognitive peut être vécue différemment d’une personne à l’autre.
Personnellement, je pense à un contexte particulier où le travail avec des patients à atteintes neurologiques peut être un défi : un patient anosognosique. La plupart de vous se demande probablement ce que cela veut dire. C’est un patient qui n’est pas du tout conscient de ses troubles. Après un trauma crânien, certains patients développent des comportements non-conformes à ceux avant l’accident. Les proches parlent souvent d’un changement de personnalité. Nous observons des comportements plus agités et impulsifs. Un discours non-ordonné, sans plainte et une humeur fluctuante. Selon eux, ils vont bien et ne comprennent pas pourquoi ils doivent passer toute une après-midi avec moi à faire des tests. Ces cas, plus ou moins fréquents, rendent le travail thérapeutique extrêmement difficile et la situation doit être abordée de manière très délicate.

Quel aspect de votre profession vous plaît particulièrement ?
La diversité des cas cliniques rencontrée au Rehazenter est fascinante et demande de bonnes capacités d’adaptation d’une situation à l’autre. À un moment vous voyez un jeune adolescent complètement désinhibé avec un trauma crânien et à un autre moment vous rencontrez une dame réservée avec une sclérose en plaque (SEP) et un trouble dépressif. Ceci requiert beaucoup de ressources, mais rend aussi le travail plus intéressant et dynamique. De plus, il s’avère parfois que je suis confronté à une certaine pathologie (comme c’était le cas pour la SEP) que je n’ai pas particulièrement traitée au cours de mes études et par conséquent je suis forcé de m’éduquer sur ce sujet.
Un autre facteur important qui rend mon travail si chouette est l’équipe dont je fais partie. Aimer son travail est une chose. Le partager avec une équipe qu’on apprécie est encore autre chose. L’équipe ne se limite pas seulement aux autres psychologues du service mais inclut aussi les autres thérapeutes avec qui je passe également un temps considérable à discuter de patients communs. Vive la pluridisciplinarité !

Quel type d’intervention (de groupe) appliquez-vous souvent ?
L’intervention thérapeutique utilisée par excellence est, sans grande surprise, la réhabilitation cognitive. La plupart des patients que je vois en consultation, sont des personnes avec atteintes neurologiques. Après avoir réalisé un diagnostic cognitif, un plan d’intervention sera proposé en fonction des déficits retrouvés. Soit, nous (re)entrainons les fonctions cognitives atteintes, soit nous envisageons la mise en place de stratégies de compensation. Ceci représente la majorité de mes cas.

Ceci dit et comme avancé plus haut, les cas ne sont pas homogènes. Ainsi, il se peut que je sois confronté à un patient avec un trouble anxieux, avec ou sans déficits cognitifs et qui profite davantage de séances de relaxation/ pleine conscience.

Quels sont les devoirs que les patients reçoivent ? Y a-t-il des connaissances préalables qu’ils eux faut ?
Pour cette question, je préfère vous renvoyer à la réponse de ma collègue Delphine Verton.

 

Pour terminer, avez-vous encore des conseilles pour des futures étudiant(e)s en psychologie ?
La psychologie est une science complètement vaste et je suis sûr que chacun de vous y trouvera sa niche.
Soyez motivé, profitez de vos études et qui sait, peut-être que dans quelques années, vous serez le psychologue dont on demande de résumer son activité professionnelle.

Bonnes études et je vous souhaite beaucoup de succès !

 

Monsieur Benhsain, nous vous remercions pour cet interview !